Pour contextualiser mon sujet libre, je me suis intéressée au territoire de la Provence et de la provenance de l’eau. Je me suis rendue compte qu’elle avait toujours été amenée de manière artificielle.
J’ai donc décidé de construire mon projet autour d’une question: Faut-il repenser nos accès à la ressource ou repenser nos besoins en fonction du territoire ?
On peut voir à l’échelle du pays, que le sud de la France est notamment connu pour ses aquifères karstiques, formation géologique particulière qui se forme suite à l’infiltration des eaux dans le sol. Ces sols sont composés de roche calcaire, et c’est en m’intéressant au territoire du Var que j’ai découvert le massif de la Sainte-Beaume.
La Sainte-Beaume, Parc Naturel Régional classé Natura 2000. J’ai pu découvrir que les sous-sols étaient chargés en eau grâce à sa formation géologique composée de six aquifères karstiques et que ce massif avait un surnom aujourd’hui oublié celui de La Mère des Eaux.
Le fleuve de l’Huveaune prend sa source au pied du massif montagneux pour parcourir le territoire du Var et se jeter dans la Méditerranée au niveau de Marseille. J’ai alors réexpérimenté ma méthodologie de recherche de mon mémoire en allant à la rencontre du territoire créant un itinéraire de 60km le long du fleuve.
Par ce travail photographique j’ai replacé mon attention sur ce paysage pour pouvoir retranscrire l’eau comme point d’étape sur l’itinéraire.
Cette marche a été guidée par l’eau, elle m’a appris à être plus à l’écoute, à l’appréhender d’une autre manière, de voir le chemin qu’elle avait formé et de sentir sa forc
‘‘C’est en connaissant mieux nos habitats urbains et en modifiant nos pratiques qu’on saura comment mieux habiter la Terre.’’
J’interviens sur l’itinéraire avec des balises de randonnées en pierre calcaire avec un texte gravé: Ici coulait l’Huveaune. Elles vont apparaître lorsque le niveau de l’eau va descendre trop bas, laissant apercevoir le message. Ces balises font alors références aux pierres Hungerstein retrouvées en Europe de l’Est.
Le projet s’articule depuis cette marche pour ensuite arriver au refuge que j’ai réhabilité.
Une fois arrivés au refuge après la marche, les randonneurs découvriront la glacière de Pivaut, ancien haut lieu de fourniture de la glace entre 1650 et 1900. La glace était conservée en hiver et descendue en été sur la côte.
Je repars de ce bloc de glace et je l’imagine fondre au fil du temps pour arriver jusqu’à nous aujourd’hui, il n’en resterait qu’un morceau. Ce bloc, symbole d’un lieu lié à l’eau, se cristallise en roche calcaire dans mon projet pour reprendre la géologie du site, qui a toujours été formée et déformée par l’eau.
Ce lieu se veut conscientisant tout en célébrant l’eau en la mettant au centre de l’aménagement et des usages proposés par le refuge. C’est par la cuve de récupération que je place l’eau au centre. L’architecture autonome en bois se développe à l’intérieur pour impacter au minimum le bâtiment.
Ces plateaux circulaires restent ouverts sans cloisonnement pour proposer une expérience de vie en communauté entre partage et rencontre avec des personnes de tous horizons, ce n’est plus le feu du foyer mais l’eau qui les rassemble au centre.
J’ai relevé la pluviométrie du site, les capacités de récupération d’eau de pluie par la toiture et la consommation moyenne d’un français pour ces usages quotidiens dans ce carnet d’eau.
Dans ce carnet d’eau, je compare la quantité d’eau que mes randonneurs consommeraient et la consommation moyenne d’eau par français, une quantité hautement diminuée grâce aux dispositifs que je place.
L’eau va être récupérée dans une cuve située au point le plus haut du bâtiment. L’eau va circuler au centre de l’escalier avant d’arriver en bas, elle va pouvoir remonter le long de la pierre calcaire grâce à la pression récupérée par la gravité. L’eau va être distribuée dans les salles de bains et au niveau de la cuisine.
Les salles de bains vont être équipées de douche à brumisateur et de toilettes sèches pour faire baisser la consommation d’eau. Une douche classique consomme environ 90L comparés à 10L pour une douche par brumisateur. L’eau va chauffer grâce au mur en pierre réfractaire activé par l’usage de la cheminée à la cuisine juste au dessus.
A côté de ces douches se trouvent donc les chambres, organisées pour recevoir 12 personnes, elles fonctionnent avec une circulation au centre, près de l’escalier et de la source lumineuse. Cette circulation collective va permettre d’accéder aux vestiaires, au dos des lits et de rejoindre les entrées plus personnelles des chambres
Les randonneurs seront accompagnés tout le long de leur séjour, de leur lampe baladeuse, lumière plus ponctuelle accompagnée des appliques. Elles sont inspirées des lampes de spéléologues, anciennes lampes à acétylène avec un élément métallique reflétant la flamme qui sortait suite à la réaction chimique de l’eau et du carbure de calcium.
A l’étage, se trouve l’espace de vie commune avec une bibliothèque accès sur des propositions de lecture évoquant le site du massif de la Sainte-Beaume et la thématique de l’eau pour pouvoir se renseigner et s’imprégner d’avantage de l’ambiance pendant le séjour.
Le mobilier a été réfléchi pour être une continuité avec cette architecture structurelle que j’ai travaillé autour du tasseau. J’ai tiré cette connexion entre architecture et design de l’assemblage moisé, élément caractéristique de ma structure, mais le travail d’adaptation a été dans le dimensionnement des sections et le détail du pied.
La cuisine va se développer autour du bout de la roche calcaire.
Cette eau va être utilisée de différentes manières avec tout d’abord une partie filtrée pour la rendre potable pour la cuisine et s’hydrater grâce au filtre situé juste à côté de l’évier. Elle va être utilisée pour les frigos canari pour conserver une température adéquat
Il va également être possible de réaliser ses produits biodégradables type savon, liquide vaisselle et autres sans impact une fois relâché dans la nature, comme du savon à base d’huile végétale et de la soude. En plus de ces produits, il est possible de réaliser des bocaux en lactofermentation pour une conservation longue durée.
L’eau utilisée va redescendre en glissant le long de la roche pour aller remplir les bassins de 90 litres placés en vase communiquant, chaque bassin rempli, déclenchera une clochette marquant à la manière du clocher de l’église non pas un rythme marqué par le temps mais par l’eau consommée avant de la relâcher à la fin du séjour.
Pour finir, j’ai pensé à un des objets qui nous lie à l’eau: celui du verre. J’ai donc fait réaliser ces coupelles d’eau par la céramiste Caroline Mary.
Ces coupelles ont été réalisées en terre cuite non émaillée pour conserver la porosité de la terre et ainsi être en contact avec l’eau lorsque l’on boit, ressentant l’humidité qu’elle dégage. Le dessin reprend la forme des mains jointes, geste le plus simple pour recueillir l’eau au creux de nos mains.
L’eau, la lumière et l’architecture dialoguent ensemble pour offrir une expérience sensible et sensorielle aux visiteurs dans ce lieu unique.
J’ai voulu traiter de l’eau dans tous ses états allant du paysage à l’objet. L’eau s’est transformée en matière tangible qui a construit mon projet.